L’histoire surprenante et tragique de l’omelette à travers les âges

Les recettes à base d’œufs ne sont pas si anciennes que beaucoup pourraient l’imaginer. S’il existe des traces dans la Rome et la Grèce antique, d’œufs cuits dans les cendres chaudes, leur utilisation en cuisine fut, des siècles durant, considérée comme un véritable sacrilège, d’aucun pensant qu’il s’agissait de gâchis d’utiliser un œuf pour cuisiner, alors que ce dernier pouvait offrir un poulet !

Le Moyen-Âge, théâtre de l’apparition de l’omelette

C’est au Moyen-Âge, en France, que les premières recettes avec des œufs font leur apparition, et l’omelette y a une place prépondérante. Si dans le royaume de France, l’omelette trouva rapidement sa place, elle continua des années durant à être considérée comme une recette « de luxe » dans les pays voisins, qui y voyaient encore la privation de poules à naître.

Le philosophe Descartes sera le premier à encenser cette préparation, dont il décrira l’idéale préparation « à partir d’œufs couvés 8 à 10 jours, pas plus, pas moins ». Fin gourmet, il la déguste avec un ragout.

Elle restera longtemps réservée aux plus aisés et considérée comme un véritable gaspillage, les œufs étant précautionneusement conservés par les paysans – à tort certainement – pour produire des poules et des poulets.

L’omelette, à la perte de Condorcet

En 1794, le mathématicien, philosophe et homme politique Nicolas de Condorcet fit l’objet d’un mandat d’arrêt et du quitter la capitale pour éviter l’arrestation. Alors en fuite, incognito, il fit halte dans un petit estaminet à Clamart, et y commanda une omelette, plat réputé simple, afin de ne pas attirer l’attention.

Quand la serveuse lui demanda combien d’œufs il désirait, il répondit maladroitement 12, ce qui le fit repérer immédiatement. Il fut alors mis aux arrêts, et décédera mystérieusement la nuit suivante dans sa cellule à Bourg-La-Reine, s’étant peut-être empoisonné afin d’éviter l’échafaud.

Du plat des riches à la recette traditionnelle

Si l’histoire de Condorcet démocratisa la recette de l’omelette, c’est au fil des années que cette dernière entra progressivement dans la tradition culinaire française, notamment à l’occasion de certaines fêtes religieuses.

C’est ainsi que dans beaucoup de régions françaises, l’omelette de Pâques est devenue une tradition, où il faisait bon de partager avec les plus modestes, ce plat simple alimenté par les habitants des villages.

Elle est encore entérinée en Occitanie et plus particulièrement en Haute-Garonne, mais également dans le Grand-Est, et notamment dans l’Aube, où dans les petits villages, cette tradition que l’on appelle la fête des roulées est encore pratiquées le week-end précédant le lundi de Pâques. Si autrefois, c’étaient les enfants de chœur qui récoltaient les œufs destinés à la réalisation d’une omelette géante partagée par tout le village, de nos jours ce sont les pompiers volontaires qui ont perpétué cette tradition.

Des recettes célèbres d’omelette

L’omelette, au fil des siècles, a fait l’objet de maintes recettes qui l’ont rendue célèbres à travers le monde.

La fabuleuse recette de l’omelette de la mère Poulard, consistant à monter les œufs en neige avant la cuisson, n’y est pas étrangère ! Annette Poulard, simple femme de ménage sur le Mont-Saint-Michel, sera la créatrice de cette singulière recette qui la rendra célèbre dans le monde entier. Aujourd’hui encore, des touristes du monde entier viennent au Mont-Saint-Michel, déguster la fameuse omelette !

Si les sempiternelles omelettes baveuses ou recettes agrémentées de toutes sortes de mets régionaux ont fleuri un peu partout sur le territoire français, l’une des plus célèbres recettes dans les versions sucrées reste l’omelette norvégienne : elle n’est d’ailleurs pas plus norvégienne qu’elle est une omelette, puisqu’il s’agit d’un dessert froid à l’intérieur et chaud à l’extérieur !

C’est un certain Balzac, chef d’un grand hôtel de la capital, qui eut l’idée de cette recette, inspiré par les recherches d’un physicien américain nommé Thompson, qui avait établi une théorie selon laquelle le blanc d’œuf conduisait fort mal la chaleur. C’est ainsi qu’il conçut ce surprenant dessert, basé sur une boule de glace à la vanille sur une génoise, entourée de meringue (faite à base de blanc d’œuf évidement) destinée à l’isoler de la chaleur, puis passée au four.

Bien plus doué en cuisine qu’en géographie, il lui donna le nom d’omelette norvégienne en hommage à Thompson, pensant que la Bavière, région d’adoption du physicien, se trouvait en Norvège !